Pourquoi a-t-on mal au dos ? Comprendre la lombalgie
- 12 mars
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Introduction
La lombalgie, ou douleur en bas du dos, est une cause majeure d'arrêt de travail et touche près de 80 % des adultes à un moment de leur vie. Pourtant, elle reste mal comprise. Beaucoup pensent que leur douleur est due à une mauvaise posture ou à un "dos fragile", et se tournent vers l’imagerie médicale pour trouver une explication.
Mais la réalité est plus complexe : la douleur lombaire n’est pas toujours liée à une lésion visible. Certaines personnes avec une colonne vertébrale en apparence "abîmée" ne ressentent aucune douleur, tandis que d’autres souffrent alors qu’aucune anomalie n’apparaît sur les examens.
Alors, pourquoi avons-nous mal au dos ? Que se passe-t-il réellement dans notre corps lorsque la douleur apparaît ?
1. Définition et classification de la lombalgie
La lombalgie désigne toute douleur localisée dans la région lombaire, entre la dernière vertèbre thoracique et le sacrum. Selon sa durée, elle est classée en trois catégories :
Lombalgie aiguë : douleur de moins de six semaines, souvent déclenchée par un faux mouvement, une surcharge ou une tension musculaire. Elle guérit généralement d’elle-même avec une prise en charge adaptée.
Lombalgie subaiguë : persiste entre six et douze semaines. Si elle n'est pas bien prise en charge, elle peut évoluer en douleur chronique.
Lombalgie chronique : persiste depuis plus de trois mois. Dans ce cas, la douleur n’est plus seulement liée aux structures lombaires, mais également à une modification du fonctionnement du système nerveux.
Lombalgie spécifique vs non spécifique
Lombalgie spécifique : concerne environ 5 à 10 % des cas et résulte d’une cause bien identifiée comme une fracture vertébrale, une infection, une tumeur ou une maladie inflammatoire comme la spondylarthrite ankylosante.
Lombalgie non spécifique : représente 90 % des cas. Aucune lésion précise ne peut être mise en cause. La douleur est souvent due à une combinaison de facteurs mécaniques (tensions musculaires, mobilité réduite), neurologiques (hypersensibilisation) et psychosociaux (stress, anxiété).
Un cas fréquent de lombalgie non spécifique est la "lombalgie du lundi matin" : après un week-end sédentaire, une personne soulève une charge un peu trop lourde et ressent un blocage douloureux. Ici, la douleur n’est pas due à une lésion grave mais à un manque de mobilité et de préparation du dos à l’effort.
2. Les protrusions discales : quel rôle dans la douleur ?
Les protrusions discales sont un phénomène fréquent dans la population adulte. Elles correspondent à un léger déplacement du disque intervertébral en dehors de son espace normal, sans rupture de l’anneau fibreux. Elles sont souvent considérées comme une "usure normale" du disque, comparable à l’apparition de rides sur la peau.
Protrusion discale et lombalgie spécifique ou non spécifique ?
Si la protrusion discale ne comprime pas une structure nerveuse → Elle fait partie des lombalgies non spécifiques.
Si la protrusion entraîne une compression d’une racine nerveuse → Elle peut entraîner une lombalgie spécifique avec des symptômes radiculaires comme une sciatique (douleur irradiant dans la jambe) ou une cruralgie (douleur dans la face antérieure de la cuisse).
📌 Ce que montrent les études :
Une étude de Brinjikji et al. (2015) a révélé que 52 % des personnes asymptomatiques présentent une protrusion discale à l’IRM.
Plus de la moitié des adultes de 40 ans et plus ont des signes de dégénérescence discale sans aucune douleur.
Conclusion : la protrusion discale en elle-même ne signifie pas forcément douleur. C’est plutôt l’inflammation locale, la compression nerveuse éventuelle et la sensibilisation du système nerveux qui expliquent les symptômes.
3. Pourquoi avons-nous mal au dos ?
La douleur lombaire peut être influencée par plusieurs mécanismes qui dépassent largement l’aspect purement mécanique du squelette.
1. Sensibilisation des tissus lombaires
Lorsque les muscles, les ligaments et les fascias du bas du dos sont exposés à un stress excessif (manque de mouvement, mauvaise récupération après un effort, stress prolongé), ils deviennent hypersensibles et envoient des signaux douloureux plus intenses.
Prenons l’exemple des courbatures après une séance de sport : il n’y a pas de blessure, mais les muscles restent sensibles pendant plusieurs jours. Dans le cas de la lombalgie, ce phénomène peut durer plus longtemps si le dos n'est pas mobilisé correctement.
2. Influence du système nerveux et sensibilisation centrale
La douleur est une alarme déclenchée par le système nerveux pour signaler un danger potentiel. Mais parfois, cette alarme se dérègle et continue de sonner alors qu’il n’y a plus de menace réelle.
Ce phénomène, appelé sensibilisation centrale, explique pourquoi certaines douleurs lombaires persistent longtemps après la guérison des tissus. C’est un peu comme un détecteur de fumée trop sensible qui se déclenche même en l’absence de feu.
Un exemple connu est la douleur du "membre fantôme" chez les amputés : le cerveau continue de percevoir une douleur dans un membre qui n’existe plus, ce qui prouve que la douleur n’est pas toujours liée à des dommages physiques.
3. Facteurs psychosociaux : stress et émotions
Le stress et l’anxiété amplifient la perception de la douleur. Une personne stressée a un système nerveux plus excitable, ce qui augmente la sensibilité aux signaux douloureux.
Un exemple simple est celui du mal de tête en période de stress. Ce n’est pas la tête qui est abîmée, mais l’état émotionnel qui influence la perception de la douleur.
Une étude de Wertli et al. en 2014 a démontré que les personnes soumises à un stress chronique ont un risque plus élevé de développer une lombalgie persistante.
4. La kinésiophobie : la peur du mouvement
L’un des facteurs qui entretient la douleur lombaire est la peur du mouvement. Beaucoup de personnes évitent certaines postures ou certains gestes par crainte d’aggraver leur douleur.
Ce comportement, appelé kinésiophobie, peut être comparé à un enfant qui tombe de vélo et refuse ensuite de remonter dessus par peur de tomber à nouveau.
Le problème, c’est que cette évitement mène à un cercle vicieux : moins on bouge, plus les muscles s’affaiblissent, plus le dos devient rigide et plus la douleur s’installe.
Le dos est une structure extrêmement solide, capable de supporter de lourdes charges lorsqu’il est bien préparé. Plutôt que d’éviter les mouvements, il est essentiel de réapprendre à les faire correctement et en toute confiance.
Conclusion
Les protrusions discales sont fréquentes et ne provoquent pas systématiquement de douleur. La lombalgie est influencée par de nombreux facteurs, et sa prise en charge doit dépasser la simple approche mécanique.
Le plus important à retenir est que le dos n’est pas fragile et que l’activité physique, bien dosée, est la clé pour éviter l’installation d’une douleur chronique.
Dans le prochain article, nous verrons quelle attitude adopter en cas de lombalgie, pourquoi le repos prolongé est une fausse bonne idée et pourquoi le mouvement est la meilleure approche pour soulager son dos.
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